La Russie et l'Occident
1. Situation. 2. Question Romaine. 3. L'Italie. 4. Unite d'Allemagne. 5. L'Autriche. 6. La Russie. 7. La Russie et Napoleon. 8. La Russie et la Revolution. 9. L'Avenir.
Le mouvement de Février, en bonne logique, aurait dû aboutir à une croisade de tout l’Occident révolutionné contre la Russie… Si cela n’a pas eu lieu, c’est la preuve que la Révolution n’a pas la vitalité nécessaire, ne fût-ce même que pour organiser la destruction en grand. En d’autres termes, la Révolution est la maladie qui dévore l’Occident. Elle n’est pas l’âme qui fait mouvement.
De là la possibilité de la réaction, comme celle inaugurée par les journées de juin de l’année dernière. C’est la réaction des parties non encore entamées de l’organisme souffrant contre l’envahissement progressif de la maladie. — Cette résistance de Juin et toutes celles qu’elle a déterminées à sa suite sont un grand fait, une grande Révélation. Il est clair maintenant que la Révolution ne peut plus espérer nulle part de se faire gouvernement. Et s’emparât-elle momentanément du Pouvoir, elle ne ferait que déterminer une guerre civile, une guerre intestine. C’est-à-d <ire> elle minera et désorganisera la société, mais elle ne pourra ni la posséder en propre, ni la gouverner en son nom. Voilà un résultat acquis, et il est immense. Car ce n’est pas seulement l’impuissance de la Révolution, c’est aussi l’impuissance de l’Occident. Toute action au-dehors lui est interdite. Il est radicalement scindé.
Pour le moment la Révolution est matériellement désarmée.
La répression de juin 1848 lui a paralysé les bras, la victoire de la Russie en Hongrie lui a fait tomber les armes des mains. Il va sans dire que pour être désarmée la Révolution n’en est pas moins pleine de vie et de vigueur. Elle se retire pour le moment du champ de bataille, elle l’abandonne à ses vainqueurs. Que vont-ils faire de leur victoire?..
Et d’abord, où en sont maintenant les Pouvoirs réguliers en Occident? Car pour préjuger quels peuvent être à l’avenir leurs rapports vis-à-vis de la Révolution, il faudrait déterminer au préalable quelles sont les conditions morales de leur existence à eux-mêmes. En un mot, quel est le symbole de foi qu’ils ont à opposer au symbole de la Révolution?
Quant au symbole révolutionnaire, nous le connaissons, et précisément, parce que nous le connaissons, nous nous expliquons fort bien d’où lui vient son ascendant irrésistible sur l’Occident, — les méprises ne sont plus possibles, toute équivoque volontaire ou involontaire serait hors de saison.
La Révolution, à la considérer dans son principe le plus essentiel, le plus élémentaire, est le produit net, le dernier mot, le mot suprême de ce que l’on est convenu d’appeler depuis 3 siècles la civilisation de l’Occident. C’est la pensée moderne toute entière depuis sa rupture avec l’Eglise.
Cette pensée est celle-ci: l’homme, en définitive, ne relève que de lui-même, tant pour la direction de sa raison que pour celle de sa volonté. Tout pouvoir vient de l’homme, tout autorité qui se réclame d’un titre supérieur à l’homme n’est qu’une illusion ou une déception. En un mot, c’est l’apothéose du moi humain dans le sens le plus littéral du mot.
Tel est qui l’ignore, le credo de l’école révolutionnaire; mais, sérieusement parlant, la société de l’Occident, la civilisation de l’Occident en a-t-elle un autre?..
Et les Pouvoirs publics de cette société, eux, qui depuis des générations n’ont eu pour y vivre d’autre milieu intellectuel que celui-là, comment feront-ils maintenant pour en sortir? Et comment, sans en sortir, trouveront-ils le point d’Archimède dont ils ont besoin pour y placer leur levier?
M-r Guizot lui-même a beau tonner maintenant contre la démocratie européenne, a beau lui reprocher, comme le principe de toutes ses erreurs et de tous ses méfaits, son idolâtrie pour elle-même: la démocratie occidentale, en se prenant pour l’objet de son culte, n’a fait, il faut bien le reconnaître, que suivre aveuglement les instincts que vous-même et vos propres doctrines ont contribué, autant que quoi que soit, à développer en elle? En effet, qui donc, plus que vous et votre école a réclamé, a revendiqué pour la raison de l’homme les droits de l’autonomie; qui nous a enseigné à voir dans la réformation religieuse du 16-ième siècle moins encore un mouvement de réaction contre les abus et les prétentions illégitimes du catholicisme romain qu’une ère de l’émancipation définitive de la raison humaine, salué dans la philosophie moderne la formule scientifique de cette émancipation et glorifié dans le mouvement révolutionnaire de 1789 l’avènement au pouvoir, la prise de possession de la société moderne, par cette raison de l’homme, ainsi émancipé et ne relevant plus que d’elle-même? Après de pareils enseignements comment voulez-vous que le moi humain, cette molécule constitutive de la démocratie moderne, ne se prendrait-il pour l’objet de son idolâtrie, et puisque, de compte fait, il n’est tenu à reconnaître d’autre autorité que la sienne et qui prétendez-vous qu’il adore si ce n’est lui-même? S’il ne le faisait pas, ce serait, ma foi, <нрзб.> modestie de sa part.
Reconnaissons-le donc, la Révolution, variée à l’infini dans ses degrés et ses manifestations, est une et identique dans son principe, et c’est de ce principe, il faut bien l’avouer, qu’est sortie la civilisation actuelle de l’Occident.
Nous ne nous dissimulons pas l’immense portée de cet aveu. Nous savons fort bien que c’est le fait que nous venons d’énoncer qui imprime à la dernière catastrophe européenne le cachet d’une époque tragique entre toutes les époques de l’histoire du monde. Nous assistons, très probablement, à la banqueroute d’une civilisation toute entière…
En effet, voilà depuis mainte et mainte générations que nous vous voyons, hommes de l’Occident, tous occupés, peuples et gouvernements, riches et pauvres, les doctes et les ignorants, les philosophes et les gens du monde, tous occupés à lire en commun dans le même livre, dans le livre de la raison humaine émancipée, lorsqu’en février de l’année 1848 une fantaisie subite est venue à quelques-uns d’entre vous, les plus impatients, les plus aventureux, de retourner la dernière page du livre et d’y lire la terrible révélation que vous savez… Maintenant on a beau se récrier, se gendarmer contre les téméraires. Comment faire, hélas, que ce qui a été lu, n’ait pas été lu… Réussira-t-on à sceller cette formidable dernière page? Là est le problème.
Je sais bien que dans les sociétés humaines tout n’est pas doctrine ou principe, qu’indépendamment des uns et des autres il y a les intérêts matériels qui suffisent ou à peu près, dans les temps ordinaires, à assurer leur marche, il y a, comme dans tout organisme vivant, l’instinct de la conservation, qui peut pendant quelque temps lutter énergiquement contre une destruction imminente. Mais l’instinct de la conservation qui n’a jamais pu sauver une armée battue, pourrait-il à la longue protéger efficacement une société en déroute?
Pour cette fois encore les Pouvoirs publics et la société à leur suite ont repoussé, il est vrai, le dernier assaut que leur a livré la Révolution. Mais est-ce bien avec ses propres forces, est-ce bien avec ses armes légitimes que la civilisation moderne, que la civilisation libérale de l’Occident, s’est protégée et défendue contre ses agresseurs?
Certes, s’il y a eu un fait grandement significatif dans l’histoire de ces derniers temps, c’est à coup sûr celui-ci: le lendemain du jour où la société europ<éenne> avait proclamé le suffrage universel comme l’arbitre suprême de ses destinées, c’est à la force armée, c’est à la discipline militaire qu’elle a été obligée de s’adresser pour sauver la civilisation. Or, la force armée, la discipline militaire, qu’est-ce autre chose qu’un legs, un débris, si l’on veut, du vieux monde, d’un monde depuis longtemps submergé. Et c’est pourtant en s’accrochant à ce débris-là que la société contemporaine est parvenue à se sauver du nouveau déluge qui allait l’engloutir à son tour.
Mais si la répression militaire, qui dans le système établi n’est qu’une anomalie, qu’un heureux accident, a pu, dans un moment donné, sauver la société menacée, suffit-elle pour en assurer les destinées? En un mot, l’état de siège pourra-t-il jamais devenir un système de gouvernement?..
Et puis, encore une fois, la Révolution n’est pas seulement un ennemi en chair et en os. C’est <нрзб.> plus qu’un Principe. C’est un Esprit, une Intelligence, et pour le vaincre il faudrait savoir le conjurer.
Je sais bien que les derniers événements ont jeté dans tous les esprits d’immenses doutes et d’immenses désenchantements et que bien des enfants de la génération actuelle ont révoqué en doute la sagesse révolutionnaire de leurs pères. On a touché au doigt l’inanité des résultats obtenus. Mais si des illusions, qu’on pourrait déjà qualifier de séculaires ont été emportées par la dernière tempête, nulle foi ne les a remplacées… Le doute s’est creusé, et voilà tout. Car la pensée moderne peut bien batailler contre la Révolution sur telle ou telle autre de ses conséquences, le socialisme, le communisme, voire même l’athéisme, mais pour en résoudre le Principe il faudrait qu’elle se reniât elle-même. Et voilà pourquoi aussi la société occidentale, qui est l’expression de cette pensée, en se voyant acculée à l’abîme par la catastrophe de Février, a bien pu se rejeter en arrière par un mouvement instinctif, mais il lui faudrait des ailes pour franchir le précipice ou un miracle, sans précédent dans l’histoire des Sociétés humaines, pour revenir sur ses pas.
Telle est la situation actuelle du monde. Elle est, certainement, claire pour la divine Providence, mais elle est insoluble pour la raison contemporaine.
C’est sous l’empire de pareilles circonstances que les Pouvoirs publics de l’Occident sont appelés à régir la Société, à la raffermir, à la rasseoir sur ses bases, et ils sont tenus à travailler à cette œuvre avec les instruments qu’ils ont reçus des mains de la Révolution et qui ont été fabriqués pour son usage.
Mais indépendamment de cette tâche de pacification générale, qui est commune à tous les gouvernements, il y a dans chacun des grands Etats de l’Occident des questions spéciales, qui sont le produit et comme le résumé de leur histoire particulière et qui, ayant été, pour ainsi dire, mises à l’ordre du jour par la Providence historique, réclament une solution imminente.
C’est à ces questions que s’est attaquée dans les différents pays la Révolution européenne, mais elle n’a su y trouver qu’un champ de bataille contre le Pouvoir et la Société. Maintenant qu’elle a honteusement échoué dans tous ses efforts et dans toutes ses tentatives et qu’au lieu de résoudre les questions elle n’a fait que les envenimer, c’est aux gouvernements à s’y essayer, à leur tour, en travaillant à leur solution en présence même et, p<our> ainsi dire, sous le contrôle de l’ennemie qu’ils ont vaincue.
Mais avant tout passons en revue les différentes questions.
Pour qui observe, en témoin intelligent, mais du dehors, le mouvement de l’Europe Occidentale, il n’y a assurément rien de plus remarquable et de plus instructif que, d’une part, le désaccord constant, la contradiction manifeste et continue entre les idées qui y ont prévalu, entre ce qu’il faut bien appeler l’opinion du siècle, l’opinion publique, l’opinion libérale et la réalité des faits, le cours des événements, et, d’autre part, le peu d’impression que ce désaccord, cette contradiction si flagrante, paraît faire sur les esprits.
Pour nous, qui regardons du dehors, rien n’est plus facile, assurément que de distinguer dans l’Europe Occidentale le monde des faits, des réalités historiques, d’avec ce mirage immense et persistant, dont l’opinion révolutionnaire, armée de la presse périodique, <нрзб.> comme recouvert la Réalité. Et c’est dans ce mirage que vit et se meut, comme dans son élément naturel, depuis 30 à 40 ans, cette puissance aussi fantastique que réelle que l’on appelle l’Opinion publique…
C’est une étrange chose, après tout, que cette fraction de la <société> — le Public. C’est là, à proprement parler, la vie <du> peuple, le peuple élu de la Révolution. C’est cette minorité de la société occidentale qui (sur le continent au moins), grâce à la direction nouvelle, a rompu avec la vie historique des masses et a secoué toutes les croyances positives… Ce peuple anonyme est le même dans tous les pays. C’est le peuple de l’individualisme, de la négation. Il y a cependant en lui un élément qui, tout négatif qu’il est, lui sert de lien et lui fait comme une sorte de religion. C’est la haine de l’autorité sous toutes les formes et à tous ses degrés, la haine de l’autorité comme principe. Cet élément parfaitement négatif, dès qu’il s’agit d’édifier et de conserver, devient terriblement positif, dès qu’il est question de renverser et de détruire. — Et c’est là, soit dit en passant, ce qui explique les destinées du gouvernement représentatif sur le continent. Car ce que les institutions nouvelles ont appelé jusqu’à présent la représentation, ce n’est pas, quoi qu’on en dise, la société elle-même, la société réelle avec ses intérêts et ses croyances, mais c’est ce quelque chose d’abstrait et de révolutionnaire qui s’appelle le public, représentant des opinions et rien de plus. Aussi ces institutions ont bien pu fomenter sachant l’opposition, mais nulle part jusqu’à présent elles n’ont <нрзб.> fondé un gouvernement…
Le monde réel, toutefois, le monde de la réalité historique, même sous le mirage n’en est pas moins resté ce qu’il est et n’en a pas moins poursuivi son chemin tout à côté de ce monde de l’opinion publique qui, grâce à l’acquiescement général, avait aussi acquis une sorte de réalité.
Après que le parti révolutionnaire nous a donné le spectacle de son impuissance, vient maintenant le tour des gouvernements qui ne tarderont pas à prouver que s’ils sont encore assez forts pour s’opposer à une destruction complète, ils ne le sont plus assez pour rien réédifier. Ils sont comme ces malades qui réussissent à triompher de la maladie, mais après que la maladie a profondément altéré leur constitution, et dont la vie désormais n’est plus qu’une lente agonie. L’année 1848 a été un tremblement de terre qui n’a pas renversé de fond en comble tous les édifices qu’elle a ébranlés, mais ceux même qui sont restés debout ont tellement été lézardés par la secousse, que leur chute définitive est toujours imminente.
En Allemagne la guerre civile est le fond même de sa situation politique. C’est plus que jamais l’Allemagne de la guerre de Trente ans, le Nord contre le Midi, les souverainetés locales contre le Pouvoir unitaire, mais tout cela démesurément accru et renforcé par l’action du principe révolutionnaire. En Italie ce n’est pas seulement comme autrefois la rivalité de l’Allemagne et de la France ou la haine de l’Italie contre le Barbare ultramontain. Il y a de plus encore la guerre à mort déclarée par la Révolution armée du sentiment de la nationalité italienne contre le catholicisme compromis à la suite de la papauté romaine. Quant à la France qui ne peut plus vivre sans renier à chaque pas ce qui, depuis 60 ans, est devenu son principe de vie, la Révolution, — c’est un pays, logiquement et fatalement condamné à l’impuissance. C’est une société condamnée par l’instinct de sa conservation à ne se servir d’un de ses bras que pour enchaîner l’autre.
Telle est selon nous la situation actuelle de l’Occident. La Révolution, conséquence logique et résumé définitif de la civilisation moderne, de la civilisation que le rationalisme anti-chrétien a conquise sur l’Eglise romaine, — la Révolution, convaincue par le fait d’une impuissance absolue comme organisation, mais d’une puissance presque aussi grande comme dissolvant, — d’autre part, ce qui restait à l’Europe des éléments de l’ancienne société, assez vivants encore, pour refouler, au besoin, sur un point donné l’action matérielle de la Révolution, mais tellement eux aussi, pénétrés, saturés et altérés par le principe révolutionnaire, qu’ils en sont devenus comme impuissants à produire quelque chose, qui fût généralement accepté par la société européenne, comme une autorité légitime, — tel est le dilemme, qui se pose en ce moment dans toute son immense gravité. La part d’incertitude que l’avenir se réserve ne porte que sur un seul point: c’est de savoir combien de temps il faudra à une situation semblable, pour produire toutes ces conséquences. Quant à la nature de ces conséquences, on ne saurait les pressentir qu’en sortant complètement du point de vue occidental et en se résignant à comprendre cette vérité vulgaire: c’est que l’Occident européen n’est que la moitié d’un grand tout organique et que les difficultés en apparence insolubles qui la travaillent ne trouveront leur solution que dans l’autre moitié…
LA RUSSIE ET L’OCCIDENT | |
I. Situation générale | I. La Situation en 1849 |
II. Question Romaine | II. La Question Romaine |
III. L’Italie | III. L’Italie |
IV. L’Unité Allemande | IV. L’Unité Allemande |
V. L’Autriche | V. L’Autriche |
VI. La Russie | VI. La Russie |
VII. La Russie et Napoléon | VII. La Russie et Napoléon |
VIII. L’Avenir | VIII. La Russie et la Révolution |
IX. L’Avenir |
Que veut l’Italie? Le vrai, le factice.
Le vrai: l’indépendance, la souveraineté municipale avec un lien fédéral — l’expulsion de l’étranger, de l’Allemand.
Le faux: l’utopie classique: l’Italie unitaire. Rome à la tête. Restauration romaine.
D’où vient cette utopie? — Son origine — son rôle dans le passé — et jusqu’à nos jours.
Deux Italies. Celle du peuple, des masses, de la réalité. — L’Italie des lettrés, savants, révolutionnaires, depuis Petrarca jusqu’à Mazzini.
Rôle tout particulier de cette tendance des lettrés en Italie. Sa signification: c’est une tradition de l’ancienne Rome, de la Rome payenne. — Pourquoi ce simulacre a plus de réalité en Italie qu’ailleurs.
L’Italie romaine était une Italie conquise. Voilà pourquoi l’unité de l’Italie, telle que ces m<e>ss<ieu>rs l’entendent, est un fait romain et nullement italien.
L’Italie, alors, était la chose de Rome, parce que Rome avait l’Empire.
Ce que c’est que l’Empire. C’est une délégation, les droits qu’elle confère.
On les perd, ces droits, quand la délégation est révoquée — on les perd avec l’Empire. — C’est ce qui est arrivé avec Rome. Mais le siège de l’Empire n’étant plus en Italie, il n’y a plus lieu à cette unité factice. — Elle recouvre de plein droit son indépendance et ses autonomies locales.
Retrait de l’Empire à Rome et son transfert à l’Orient. C’est la donnée chrétienne que la donnée payenne cherche à nier.
Et voilà pourquoi elle méconnaît la véritable situation de l’Italie.
Une Italie rendue à la liberté de ses mouvements, mais dépouillée de l’Empire, — une Italie, dépouillée de l’Empire, mais ne pouvant se passer de l’autorité impériale.
L’autorité impériale: c’est le lien du faisceau.
Pourquoi cette autorité n’a jamais tenu toute la place qui lui revient — la Papauté l’a paralysée.
Lutte de la Papauté et de l’Empire — ses conséquences pour l’Italie.
Papauté romaine et Empire germanique. Tous deux — usurpateurs vis-à-vis <de> l’Orient — d’abord complices, puis ennemis. L’Italie — la proie qu’ils se disputent. — De là tous ses malheurs.
Coup d’œil rapide sur cette lamentable histoire.
Tous les deux appellent en Italie l’étranger qui s’y établit à demeure. La Papauté, bien que diminuée, garde touj <ours> Rome, centre du monde. L’Empire, en croulant, lègue à l’Italie la domination autrichienne. La dernière lutte: l’Autriche plus étrangère que jamais. L’Italie plus déchirée que jamais. La Papauté se rapprochant de l’Autriche. La cause de l’Indépendance s’identifiant de plus en plus à la cause révolutionnaire. — Immense gravité de la situation.
Une intervention française, au profit de la Révolution, ne pouvant que l’aggraver. Déchirement. Lutte intérieure de tous les éléments entr’eux. Situation sans issue.
Seule issue possible.
L’Empire rétabli. La Papauté sécularisée…
II y a deux choses également et généralement détestées en Italie: les tedeschi et les preti.
Maintenant, quelle est la puissance qui serait en mesure de délivrer l’Italie des uns et des autres, sans donner gain de cause à la Révolution et sans ruiner l’Eglise. Cette puissance, si elle existe, est la protectrice — née de l’Italie.
Le Pape vis-à-vis de la Réforme.
La question romaine dans les temps actuels est insoluble. — Elle ne pourrait être résolue que par un retour de l’Eglise romaine vers l’Orthodoxie.
Il n’y a qu’un pouvoir temporel, appuyé sur l’Eglise universelle qui serait en mesure de réformer la Papauté, sans ruiner l’Eglise.
Ce pouvoir n’a jamais existé, ni put exister dans l’Occident. — Voilà pourquoi tous les pouvoirs temporels de l’Occident, depuis les Hohenstauffen jusqu’à Napoléon, dans leurs démêlés avec les Papes ont fini par accepter, pour auxiliaire, le principe anti-chrétien — tout comme les soi-disant réformateurs, et p<ar> le même motif.
Qu’est-ce que le parlement de Francfort? L’explosion de l’Allemagne idéologue. L’Allemagne idéologue — son histoire.
L’idée unitaire est son œuvre propre. Elle ne vient pas des masses, de l’histoire. — Ce qui le prouve, c’est l’utopie, le manque du sens de la réalité, qui ne manque jamais aux masses, mais presque touj <ours> aux lettrés.
L’unité allemande = prédominance européenne, mais où en sont les conditions?
Qu’était l’ancien Empire germanique aux temps de sa puissance? C’était un Empire, dont l’âme était romaine et le corps slave (conquis sur les Slaves). Ce qu’il y avait d’Allemand p<our ainsi> d<ire> ne contient pas l’étoffe nécessaire pour un Empire.
Entre la France qui pèse sur le Rhin et l’Europe Orientale, gravitant vers la Russie, il y a place pour de l’indépendance, mais non pour de la suprématie.
Or, une pareille condition politique, honnête, mais non prépondérante, appelle la fédération et se refuse à l’unité.
Car l’unité, le système unitaire suppose une Mission, et l’Allemagne n’en a plus…
Mais même, dans les étroites limites, l’unité organique est-elle possible pour l’Allemagne?
Le dualisme inhérent à l’Allemagne.
L’Empire avait été la formule, destinée à le conjurer. Cette formule s’est trouvée insuffisante. L’Empire, réalisé à demi; le dualisme persistant à travers l’Empire.
L’Empire, ce qui en était l’âme, brisé par la Réforme, et, par contre, le dualisme consacré par elle.
La guerre de 30 ans l’a organisé. Le dualisme devenu l’état normal de l’Allemagne. — Autriche, Prusse.
Cela a duré ainsi jusqu’à nos jours. La Russie, le véritable Empire, en les ralliant à elle a endormi l’antagonisme, mais ne l’a pas supprimé.
La Russie écartée, la guerre recommence.
L’unité impossible par principe, parce que… avec l’Autriche point d’unité. Sans l’Autriche pas d’Allemagne. L’Allemagne ne peut pas devenir Prusse, parce que la Prusse ne peut pas devenir Empire.
Empire suppose légitimité. La Prusse est illégitime.
L’Empire est ailleurs.
Provisoirement il y aura deux Allemagnes. C’est leur état de nature — l’unité leur viendra du dehors.
Toute la question de l’unité d’Allemagne se réduit maintenant à savoir si l’Allemagne voudra se résigner à devenir Prusse.
Il faudrait, bien entendu, que l’Allemagne le voulût volontairement. Car la Prusse est hors d’état de l’y forcer. Pour l’y forcer, il n’y a que deux moyens. La Révolution — moyen impossible pour un gouv<ernemen>t régulier; la conquête — impossible — à cause des voisins.
D’autre part, le roi de Prusse, par la nature même de son origine, ne peut jamais être empereur d’Allemagne. — Pourquoi cela? Par la même raison qui fait que Luther n’aurait jamais pu devenir Pape.
La Prusse n’étant autre chose que la négation de l’Empire d’Allemagne.
Une négation réussie —
Le principe d’unité pour l’Allemagne n’est plus en Allemagne…
Quelle était la signification de l’Autriche dans le passé? Elle exprimait le fait de la prédominance d’une race sur une autre, de la race allemande sur la race slave.
Comment ce fait a-t-il été possible? à quelle condition?.. l’explication historique de la chose (seulement dynastique).
Ce fait de la prédominance allemande sur les Slaves infirmé par la Russie.
Aboli par les derniers événements.
Qu’est-ce que l’Autriche est maintenant et que prétend-elle être?
L’Autriche, devenue constitutionnelle, a proclamé la Gleichberechtigung, l’égalité du droit pour les différentes nationalités. — Quelle en est la signification?
Est-ce un système de neutralité générale? une pure négation?
Mais l’existence d’un grand Empire, basée sur une négation, est-elle possible?
La loi constitutionnelle est la loi de la majorité. Or, la majorité en Autriche étant slave, l’Autriche devrait devenir slave. — Cela est-il probable? ou même possible?
L’Autriche peut-elle cesser d’être allemande sans cesser d’être?
Rapports entre ces deux races politiques et psychologiques (v<oir> Fallmereyer).
L’oppression allemande n’est pas seulement une oppression politique, elle est cent fois pire. Car elle découle de cette idée de l’Allemand que sa prédominance sur le Slave est de droit naturel. De là un malentendu insoluble et une haine éternelle.
P<ar> c<onséquent> l’impossibilité d’une sincère égalité de droit. Mais l’Allemand plie devant le fait accompli — comme en Russie. Ainsi la Gleichberechtigung, proclamée par l’Autriche, n’est qu’un leurre.
Elle est allemande et restera allemande.
Qu’en résultera-t-il? Une guerre civile permanente des diverses nationalités non-allemandes contre les Allemands de Vienne, aussi bien que de ces nationalités entr’elles, au moyen de la légalité constitutionnelle.
Et c’est ainsi que la domination autrichienne au lieu d’être une garantie d’ordre ne sera qu’un ferment de Révolution.
Populations slaves obligées de se faire révolutionnaires pour maintenir leur nationalité contre un pouvoir allemand.
La Hongrie — qui, dans un Empire slave, aurait tout naturellement accepté la place subordonnée, que sa position lui fait. Acceptera-t-elle, vis-à-vis de l’Autriche, la condition que celle-ci prétend lui faire?..
Graves inconvénients, dangers — et finalement impossibilité — résultant de tout ceci pour la Russie.
Après cela l’Autriche est-elle possible? et pourquoi existerait-elle?
Une dernière réflexion.
L’Autriche aux yeux de l’Occident n’a d’autre valeur que d’être une conception antirusse, et cependant elle ne saurait exister sans l’aide de la Russie.
Est-ce là une combinaison viable?..
La question pour les Slaves de l’Autriche se réduit à ceci: ou rester Slaves en devenant Russes, ou devenir Allemands en restant Autrichiens.
L’Autriche — n’a plus de raison d’être. On a dit: si l’Autriche n’existait pas, il faudrait l’inventer — et pourquoi?
Pour s’en faire une arme contre la Russie, et l’événement vient de prouver que l’assistance, l’amitié, la protection de la Russie est une condition de vie pour l’Autriche.
Les Occidentaux jugeant la Russie, c’est un peu comme les Chinois jugeant l’Europe ou plutôt les Grecs (Greculi) jugeant Rome. Ceci paraît être une loi de l’histoire: jamais une société, une civilisation n’a compris celle qui devait lui succéder.
Ce qui les induit en erreur encore davantage, c’est la colonie occidentale des Russes civilisés, qui leur renvoie leur propre voix. — La moquerie de l’écho.
L’Occident, ne voyant jusqu’à présent dans la Russie qu’un fait matériel, une force matérielle.
Pour lui la Russie est un effet sans cause.
C<’est >-à-d<ire> qu’idéalistes, ils méconnaissent l’idée.
Savants et philosophes, ils ont supprimé, dans leurs aperçus historiques, toute une moitié du monde européen.
Et cependant, en présence de cette force purement matérielle, d’où leur vient ce quelque chose entre le respect et la crainte, le sentiment de l’awe, qu’on n’a que pour l’autorité?..
Ici encore l’instinct plus intelligent que la science. Qu’est-ce donc la Russie? Que représente-t-elle? Deux choses: la race slave, l’Empire Orthodoxe.
1) La race.
Le panslavisme, tombé dans le domaine de la phraséologie révolutionnaire. — Abus qu’on a fait de la nationalité. Costume de masque pour la Révolution. Les panslaves littéraires sont des idéologues allemands tout comme les autres.
Le panslavisme réel est dans les masses. Il se révèle au contact du soldat russe et du premier paysan slave venu, slovaque, serbe, bulgare etc., même magyar. Ils sont tous solidaires vis-à-vis du немец. Le panslavisme est encore ceci:
Pas de nationalité politique possible pour les Slaves en dehors de la Russie.
Ici vient se placer la question polonaise (voir l’article de St. Priest. Rev <ue> des D<eux> M<ondes> 1-er №).
2) L’Empire.
La question de race n’est que secondaire ou plutôt ce n’est pas un principe. C’est un élément. Le principe plastique c’est la tradition orthodoxe.
La Russie est orthodoxe plus encore que slave. C’est comme orthodoxe qu’elle est dépositaire de l’Empire.
Ce que c’est que l’Empire? Doctrine de l’Empire. L’Empire ne meurt pas. Il se transmet. Réalité de cette transmission. Les 4 Empires passés. Le 5-ième définitif.
Cette tradition niée par l’école révolutionnaire au même titre que la tradition dans l’Eglise.
C’est l’individualisme niant l’histoire.
Et cependant l’idée de l’Empire a été l’âme de toute l’histoire de l’Occident.
Charlemagne. Charles V. Louis XIV. Napoléon.
La Révolution l’a tuée, ce qui a commencé la dissolution de l’Occident. Mais l’Empire, en Occident, n’a jamais été qu’une usurpation.
C’est une dépouille que les Papes ont partagée avec les Césars d’Allemagne (de là leurs discordes).
L’Empire légitime est resté attaché à la succession de Constantin. — Montrer et démontrer la réalité historique de tout ceci.
Ce que c’était que l’Empire d’Orient (fausses vues de la science occidentale sur l’Empire d’Orient) transmis à la Russie.
C’est comme Empereur d’Orient que le царь est Empereur de Russie.
«Волим царя восточного, православного», — disaient les Petits-Russes et disent tous les orthodoxes d’Orient, slaves et autres.
Quant aux Turcs, ils ont occupé l’Orient orthodoxe pour le mettre à couvert des Occidentaux — pendant que l’Empire légitime s’organisait.
L’Empire est un:
l’Eglise orthodoxe en est l’âme, la race slave en est le corps. Si la Russie n’aboutissait pas à l’Empire, elle avorterait.
L’Empire d’Orient: c’est la Russie définitive.
On a fait de la rhétorique avec Napoléon. On en a méconnu la réalité historique, et voilà pourquoi on en a manqué la Poésie.
C’est un centaure — moitié Révolution, moitié… mais il tenait à la Révolution par les entrailles.
L’histoire de son sacre est le symbole de toute son histoire. Il a, dans sa personne, essayé de faire sacrer la Révolution. C’est ce qui a fait de son règne une parodie sérieuse. La Révolution avait tué Charlemagne, lui a voulu le refaire. — Mais depuis l’apparition de la Russie Charlemagne n’était plus possible…
De là le conflit inévitable entre la Russie et lui. Ses sentiments contradictoires à l’égard de la Russie, attrait et répulsion.
II aurait voulu partager l’Empire qu’il ne l’aurait pas pu. L’Empire est un principe. Il ne se partage pas.
(Si l’histoire d’Erfurt est vraie, c’est le moment de la plus grande aberration dans les directions de la Russie.)
Chose remarquable: l’ennemi personnel de Napoléon est
l’Angleterre. Et cependant c’est contre la Russie qu’il s’est <нрзб.>. C’est que c’était là son véritable adversaire — la lutte entre lui et elle, c’était la lutte entre l’Empire légitime et la Révolution couronnée.
Lui-même à la manière antique a prophétisé sur elle: «La fatalité l’entraîne. Que ses destinées s’accomplissent».
Napoléon, c’est la parodie sérieuse de Charlemagne… N’ayant pas le sentiment de son droit, il a toujours joué un rôle, et c’est ce quelque chose de mondain qui ôte toute grandeur à sa grandeur. Sa tentative de recommencer Charlemagne n’était pas seulement un anachronisme comme pour Louis XIV, pour Charles V, ses devanciers, mais c’était un scandaleux contresens. Car elle se faisait au nom d’un Pouvoir, la Révolution, qui s’était donné pour mission essentielle d’essuyer jusqu’aux derniers vestiges de l’œuvre de Charlemagne.
1. Qu’est-ce que le lieu commun sur la Monarchie universelle? D’où vient-il?..
2. L’équilibre politique est, dans l’histoire, le pendant de la division des pouvoirs, dans le droit public. L’un et l’autre — conséquences, du point de vue révolutionnaire, négation du point de vue organique.
3. La Monarchie universelle c’est l’Empire. Or l’Empire a toujours existé. Seulement il a changé de mains.
4. Les 4 Empires: Assyrie, Perse, Macédoine, Rome. A Constantin commence le 5-ième, l’Empire définitif, l’Empire chrétien.
5. On ne peut nier l’Empire chrétien sans nier l’Eglise chrétienne. L’un et l’autre sont corrélatifs. Dans les deux cas c’est nier la tradition.
6. L’Eglise, en consacrant l’Empire, se l’est associé — p<ar> cons<équen>t l’a rendu définitif.
De là vient que tout ce qui nie le Christianisme est souvent très puissant comme destruction, mais toujours nul comme organisation — parce que c’est une révolte contre l’Empire.
7. Mais cet Empire qui, en principe, est indéfectible a pu, en réalité, avoir ses défaillances, ses intermittences, ses éclipses.
8. Qu’est-ce que l’histoire de l’Occident commençant à Charlemagne et qui s’achève sous nos yeux?
C’est l’histoire de l’Empire usurpé.
9. Le Pape, en révolte contre l’Eglise universelle, a usurpé les droits de l’Empire qu’il a partagé, comme une dépouille, avec le soi-disant Empereur d’Occident.
10. De là ce qui arrive ordinairement entre complices. La longue lutte entre la Papauté de Rome, schismatique, et l’Empire d’Occident, usurpé, aboutissant, pour l’une, à la Réformation, c’est-à-d<ire> à la négation de l’Eglise, et pour l’autre à la Révolution, c’est-à-d<ire> à la négation de l’Empire.
Nous touchons à la Monarchie universelle, c’est-à-d<ire> au rétablissement de l’Empire légitime.
La Révolution de 1789 c’était la dissolution de l’Occident. Elle a détruit l’autonomie de l’Occident.
La Révolution a tué, en Occident, le Pouvoir intérieur, indigène, et l’a, par cons<é> qu<ent> assujetti à un Pouvoir étranger, extérieur. Car nulle société ne saurait vivre sans Pouvoir. Et voilà pourquoi toute société, qui ne peut le tirer de ses propres entrailles, est condamnée, par l’instinct de sa conservation, à l’aller emprunter du dehors.
Napoléon a marqué la dernière tentative désespérée de l’Occident de se créer un Pouvoir indigène, elle a échoué nécessairement. Car on ne saurait tirer le Pouvoir du Principe Révolutionnaire. Or, Napoléon n’était pas et ne pouvait être autre chose.
Ainsi, depuis 1815, l’Empire de l’Occident n’est plus dans l’Occident. L’Empire s’est tout entier retiré et concentré là où de tout temps a été la tradition légitime de l’Empire. — L’année 1848 en a commencé l’inauguration définitive… Il faut toutefois qu’elle s’aide de deux grands faits qui sont en voie de s’accomplir.
Dans l’ordre temporel l’organisation de l’Empire Gréco-Slave. Dans l’ordre spirituel — la réunion des deux Eglises.
Le premier de ces faits a décidément commencé le jour où l’Autriche, pour sauver un simulacre d’existence, a eu recours à l’assistance de la Russie. Car une Autriche, sauvée par la Russie, est de toute nécessité une Autriche absorbée par la Russie (un peu plus tôt, <un peu> plus tard).
Or l’absorption de l’Autriche n’est pas seulement le complément nécessaire de la Russie comme Empire slave, c’est encore la soumission à celle-ci de l’Allemagne et de l’Italie, les deux pays d’Empire.
L’autre fait, prélude de la réunion des Eglises, c’est le Pape de Rome dépouillé de son pouvoir temporel.
КОММЕНТАРИИ:
Автограф — РГБ. Ф. 308. К. 1. Ед. хр. 10. Л. 1-23.
Список (рукой Эрн. Ф. Тютчевой) — РГБ. Ф. 308. К. 1. Ед. хр. 11. Л. 1-24.
Первая публикация — ЛН-1. С. 201–225.
Воспроизведено на рус. яз. — Тютчев Ф. И. Россия и Запад: Книга пророчеств. С. 17–27, 70–73, 78–80, 86–89, 100–103, 125–126, 155–157; в другом переводе — ПСС в стихах и прозе. С. 431–448.
Печатается по тексту первой публикации. С. 201–205 и 210–217 (на фр. яз.). В печатаемый текст внесены изменения и уточнения по автографу: «l’apothéose du moi» вместо «l’apothéose de moi» (7-й абз. ‹Главы I› ‹1› La situation en 1849); там же в 9-й абз. «pour y vivre» вместо «pour vivre», в 10-й абз. «‹нрзб.›» вместо «trop de», в 17-й абз. добавлено пропущенное слово «menacée» после «sauver la société», в 18-й абз. «‹нрзб.›» вместо пропущенного слова; там же ‹2› во 2-й абз. «‹нрзб.› comme recouvert» вместо «avait classés comme le recours» и «ce mirage que vit» вместо «ce mirage vit», в 3-й абз. «d’édifier» вместо «de faire» и «‹нрзб.›» вместо «jamais»; там же ‹3› в 1-й абз. «le sont plus assez» вместо «le sont assez», во 2-й абз. «les souverainetés locales» вместо «les souverains locaux» и «ne se servir d’un de ses bras que» вместо «ne se servir q’un de ses bras»; «preti» вместо «pretri» (1-й абз. ‹Материалов к главе III› ‹2› ‹L’Italie›); «pour de la suprématie» вместо «pour la suprématie» (5-й абз. ‹Материалов к главе IV› ‹1› L’Unité Allemande); «le principe plastique» вместо «le principe» (14-й абз. ‹Материалов к главе VI› La Russie); «‹нрзб.›» вместо «brisé» (7-й абз. ‹Материалов к главе VII› ‹1› La Russie et Napoléon); там же стих. Тютчева в 8-м абз. приводится по второму тому настоящего издания (в автографе слова «сам» в 1-й и 7-й строках, «судьбы́» в 4-й строке, «роковой» в 8-й строке начинаются с прописной буквы, после существительного «заклинанье» нет двоеточия, а после местоимения «ты» стоит запятая; «le Pouvoir du Principe Révolutionnaire» вместо «le pouvoir du principe révolutionnaire» (4-й абз. ‹Материалов к главе IX› ‹2›).
Автограф включает черновые материалы для трактата «Россия и Запад» на фр. яз., которые в первой публикации размещены в соответствии с его программой.
По сравнению с автографом первая публикация имеет ряд отличий, касающихся, главным образом, понижения прописных букв в отдельных словах и в меньшей степени шрифтовых выделений в тексте. Особенности размашистого почерка — буквы «c», «s» или «m» иногда повышаются даже там, где для этого нет никаких оснований. К тому же конспективный характер рукописи и быстрое фиксирование предварительных мыслей не предполагают тщательного соблюдения всех орфографических правил, и в ней можно встретить написание одних и тех же слов то со строчной, то с прописной буквы.
На 1-й странице списка, в котором отсутствуют варианты программы, а глава I скопирована неполностью, рукою Эрн. Ф. Тютчевой сделана запись: «Brouillon d’une lettre adressée au prince Wiazemsky» («Черновик письма князю Вяземскому»). После текста главы I «La situation en 1849» («Положение дел в 1849 г.») в списке добавлены слова: «La question romaine (qui a paru dans la Revue des Deux Mondes)» — «Римский вопрос (опубликованный в журнале Ревю де Дё Монд)». После материалов трактата помещена копия наброска письма П. А. Вяземскому, сделанная Эрн. Ф. Тютчевой и с ее предваряющими словами: «Brouillon d’une lettre adressée je crois au Pce Wiazemsky» («Черновик письма, думаю, Кн. Вяземскому»). Частично на фр. яз. и в полном переводе на рус. яз. текст письма опубликован И. С. Аксаковым (Биогр. С. 175–178).